Coronavirus: le vice, l’ennui et le besoin.


Voltaire écrit dans la conclusion de “Candide” : “Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin“. Depuis l’émergence du nouveau coronavirus en Chine et la mise sous cloche des personnes vivant en terre chinoise, cette affirmation a pris tout son sens dans mon quotidien.

Shanghai, il y a peu de temps encore, montrait le visage d’une mégapole cosmopolite et très dynamique. On pouvait croiser à toute heure, au détour d’une ruelle, sur des terrasses de cafés ou dans ces petits coins de restauration rapide que la Chine affectionne tant, une tête blonde, rousse ou frisée. On pouvait dénombrés différents styles culinaires aux vues des enseignes et autres néons représentant parfois un bol de nouilles chinese style ou une pizza géante western style. On était tout de suite rassuré qu’a défaut d’apprécier la nourriture chinoise on pouvait toujours revenir aux basiques.

Il est loin le temps des ballets incessants des kuaidi* sur leurs scooters électriques silencieux, courant après la montre pour livrer encore chaud leurs repas aux employés de bureaux. Il est loin le temps où les seules complaintes pour un expatrié étaient soit d’avoir manqué de se faire écraser par un de ces livreurs de la mort, soit d’avoir manqué de se faire ébouillanter en buvant de l’eau chaude du distributeur.

Un nouveau Coronavirus est arrivé, et tout a changé. Shanghai n’est pas l’épicentre de l’épidémie, mais pourtant c’est le même mot d’ordre. La ville s’est éteinte. Il a vite été recommandé de pratiquer l’auto-isolement pour notre protection personnelle et surtout pour le bien de tous.

Un échantillon de sang testé positif au Covid-19

Aujourd’hui, plus un seul expat dans les rues, quand aux autochtones , ils se compte à peine. Les rues sont silencieuses et désertes, les quelques restaurants encore ouverts sont boudés par la clientèle. Plus personne ne veut mettre les pieds dehors. Sur leur compte en ligne, les restaurants marquent un point d’honneur à noter les mesures de sécurité adoptées, matériaux d’emballage propres, port du masque obligatoire pour tout le personnel, température corporelle entre 36 et 37.3 degrés Celsius. D’ailleurs les températures sont consignées sur votre reçu de livraison, cuisinier, emballeur, livreur…tout le monde fait face au thermomètre. Même si le fait-maison reprends lentement sa place dans les foyers, il n’en demeure pas moins que le train des livraisons bats son plein. Qui dit isolement, dit ennui.

Nouvelles mesures de sécurités- Restauration en ligne

Après avoir fait le tour des bouquins en notre possession, des émissions de divertissement, des tutoriels make-up, des jeux en ligne ou de sociétés; j’en suis vite venue à regretter les journées chargées au boulot, le trajet en métro, l’arrêt tous les soirs à la boulangerie française du coin pour me procurer ma baguette du matin.

Le télé-travail a certes pris le relais dans de nombreux foyers, mais on est bien loin des 9-9-6* habituels. Sans grande surprise, la seule distraction encore attrayante reste le e-shopping. Et l’amoncellement de sacs en plastiques noirs dans le local poubelles de ma résidence me laisse penser que je ne suis pas la seule à noyer mon ennui dans des achats compulsifs. Un des sac ouvert laisse entrevoir des cartons éventrés, des emballages en plastique, des contenants de détergents, des canettes de bières, des gobelets de boissons gazeuses et plus surprenants encore, des préservatifs.

J’esquisse un petit sourire en coin, la semaine dernière encore, un message texte virulent faisait le tour des réseaux estudiantin et pour cause…le responsable d’un dortoir exprimait tout son mécontentement du fait que certains étudiants étrangers obligés de rester en quarantaine dans leur dortoir, tentaient frauduleusement de se procurer des préservatifs. Il menaçait d’envoyer un email réprobateur à leurs parents restés outre-mer. Un schéma assez cocasse, quand on pense que ces derniers s’inquiètent certainement de ce que leur sage progéniture risque la contamination par ce virus mortel.

C’est l’industrie de la consommation qui doit glousser en ce moment, l’environnement un peu moins peut-être.

On s’ennuie, on achète. On achète, on pollue!

Il va bien falloir se défaire de ce régurgi de notre petit passe-temps. L’environnement pâtira certainement de ces petits besoins, illusoires et éphémères, que l’absence d’occupation fait naitre sournoisement dans nos esprits d’enfermés. Et même si les experts sont unanimes sur la baisse du niveau de pollution dans l’air, depuis les restrictions de circulation et l’arrêt de l’activité industrielle en Chine, on est encore bien loin de l’ecovillage qui respecte la planète.

*nom donné aux livreurs dans la ville de Shanghai.

*de 9h du matin à 9h du soir pendant 6 jours de la semaine.

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